La résistance des matériaux est une discipline cruciale en ingénierie civile, garantissant la sécurité et la pérennité des structures. Ce guide détaillé explore les calculs essentiels pour le dimensionnement des éléments structuraux en construction, en couvrant les aspects théoriques et pratiques.
Nous examinerons les différents types de sollicitations, les méthodes de calcul, les propriétés des matériaux courants (béton, acier, bois), les normes applicables et l'importance des coefficients de sécurité. Des exemples concrets illustreront chaque concept pour une compréhension optimale.
Sollicitations et contraintes dans les structures
Avant d'aborder les calculs spécifiques, il est fondamental de comprendre les sollicitations et les contraintes qui s'exercent sur les éléments de structure. Ces actions externes induisent des déformations internes, qui doivent rester dans les limites admissibles pour assurer la sécurité de l'ouvrage.
Types de sollicitations et contraintes associées
Les éléments structuraux subissent diverses sollicitations, générant des contraintes internes. Une compréhension claire de ces interactions est essentielle pour un dimensionnement adéquat.
- Traction : Force tendant à allonger l'élément. Contrainte normale de traction (σ t ). Exemple : câble de précontrainte dans une dalle.
- Compression : Force tendant à raccourcir l'élément. Contrainte normale de compression (σ c ). Exemple : colonne supportant une charge importante.
- Flexion : Force générant une courbure de l'élément. Contraintes normales de flexion (σ f ) et contraintes tangentielles (τ f ). Exemple : poutre supportant une charge répartie.
- Cisaillement : Force tendant à faire glisser deux sections adjacentes. Contrainte tangentielle de cisaillement (τ s ). Exemple : boulons dans une connexion métallique.
- Torsion : Couple tendant à faire tourner l'élément autour de son axe. Contrainte tangentielle de torsion (τ t ). Exemple : arbre de transmission.
Diagrammes de contraintes et cercle de mohr
Les diagrammes de contraintes représentent graphiquement la distribution des contraintes dans une section transversale. Ils permettent de visualiser les contraintes normales et tangentielles. Le cercle de Mohr est un outil graphique utile pour déterminer les contraintes principales (maximales et minimales) dans un point donné sous sollicitations combinées.
Contraintes combinées et superposition linéaire
Les structures sont souvent soumises à plusieurs sollicitations simultanées (flexion + traction, par exemple). La superposition linéaire permet de calculer les contraintes résultantes en additionnant algébriquement les contraintes individuelles, à condition que le matériau se comporte de manière linéaire élastique.
Pour les matériaux non linéaires (béton au-delà de sa limite élastique), des méthodes plus avancées sont nécessaires, souvent par des analyses numériques (éléments finis).
Calculs de résistance pour différents éléments structuraux
Le dimensionnement des éléments structuraux nécessite des calculs spécifiques en fonction de leur géométrie, du matériau et des sollicitations qui leur sont appliquées. Nous allons détailler quelques cas typiques.
Calcul de la résistance d'une poutre en flexion
Les poutres sont des éléments horizontaux supportant des charges. Le calcul de la résistance à la flexion est primordial. Il consiste à déterminer la section nécessaire pour résister aux moments fléchissants, en utilisant la formule de la contrainte normale de flexion: σ f = M f * y / I, où M f est le moment fléchissant, y la distance à la fibre neutre et I le moment d'inertie de la section. Le choix de la section (rectangulaire, IPE, circulaire) influence fortement la résistance et la rigidité.
Exemple: Une poutre en bois (sapin, classe de résistance C24) de 6 mètres de portée, supportant une charge uniformément répartie de 2 kN/m, requiert un calcul précis du moment fléchissant maximal, puis de la section nécessaire pour respecter la contrainte admissible du bois (généralement donnée dans les normes). La flèche maximale doit également être vérifiée pour des raisons de confort et de fonctionnalité.
Calcul de la résistance d'une colonne en compression
Les colonnes sont des éléments verticaux supportant des charges axiales de compression. Le dimensionnement doit tenir compte du risque de flambement, c'est-à-dire d'une instabilité latérale de la colonne sous l'effet de la charge. La charge critique d'Euler, donnée par la formule P cr = (π²EI)/(L e )², permet de déterminer la charge maximale avant flambement (E étant le module d'Young, I le moment d'inertie et L e la longueur de flambement). Un coefficient de sécurité est appliqué pour garantir une marge de sécurité suffisante.
Exemple: Une colonne en acier S275 de section carrée 100x100 mm et de hauteur 4 mètres, supportant une charge de 150 kN, nécessite un calcul pour vérifier que la charge appliquée est inférieure à la charge critique, en considérant la longueur de flambement effective et un coefficient de sécurité adapté.
Calcul de la résistance à la traction
La résistance à la traction d'un matériau est sa capacité à résister à une force de traction avant rupture. Elle est caractérisée par la résistance à la rupture (R m ) et la limite d'élasticité (R e ). Le dimensionnement d'un élément en traction nécessite de vérifier que la contrainte de traction ne dépasse pas la contrainte admissible, obtenue en divisant la résistance à la rupture par un coefficient de sécurité approprié.
Exemple : Une barre d'armature en acier HA185 (acier à haute adhérence) de 12 mm de diamètre doit supporter une force de 100 kN. La contrainte de traction est calculée à partir de la section de l'armature, et comparée à la contrainte admissible de l'acier. Une marge de sécurité doit être respectée.
Calcul de la résistance au cisaillement
Le cisaillement est une sollicitation qui provoque un glissement entre deux sections d'un élément. La résistance au cisaillement est calculée en fonction de la contrainte tangentielle de cisaillement. L'assemblage boulonné est un cas d'étude courant. La résistance au cisaillement des boulons doit être supérieure aux efforts de cisaillement qui leur sont appliqués.
Exemple: Pour une connexion boulonnée, la capacité de cisaillement de chaque boulon est vérifiée en fonction du diamètre, de la qualité de l'acier et du coefficient de sécurité. Le nombre de boulons doit être suffisant pour supporter l'effort de cisaillement total.
Calcul de la résistance à la torsion
La torsion est une sollicitation qui produit une rotation autour de l'axe de l'élément. Elle génère des contraintes tangentielles de torsion. La résistance à la torsion dépend de la forme et des dimensions de la section (cercle plein, tube, etc.).
Exemple: Un arbre de transmission de diamètre 50 mm en acier S355 soumis à un couple de torsion de 200 Nm nécessite le calcul de la contrainte tangentielle de torsion et sa comparaison à la contrainte admissible pour garantir la sécurité de l'arbre.
Matériaux de construction et leurs propriétés mécaniques
Le choix des matériaux est crucial pour la performance et la durabilité de la structure. Les propriétés mécaniques de chaque matériau doivent être prises en compte dans les calculs de résistance.
Béton armé
Le béton armé combine la résistance à la compression du béton et la résistance à la traction de l'acier. Le béton est un matériau fragile en traction, donc l'acier est utilisé pour renforcer les sections soumises à des efforts de traction. Les caractéristiques du béton sont définies par sa classe de résistance (ex: C25/30, C30/37), qui indique sa résistance à la compression caractéristique.
Acier
L'acier est un matériau ductile avec une haute résistance à la traction et à la compression. Ses propriétés sont définies par des normes (Eurocodes) qui spécifient les différents types d'acier (S235, S275, S355, etc.) et leurs caractéristiques mécaniques (limite d'élasticité, résistance à la rupture).
Bois
Le bois est un matériau anisotrope (ses propriétés varient selon la direction des fibres). Son comportement mécanique dépend de son essence, de son humidité et de sa classe de résistance (ex: C16, C24). Les normes fournissent les valeurs des contraintes admissibles pour chaque classe.
Matériaux composites
Les matériaux composites (ex: fibres de carbone, fibres de verre) offrent des propriétés mécaniques supérieures, souvent une résistance élevée pour un poids faible. Ils sont utilisés de plus en plus en construction, mais leur dimensionnement nécessite des méthodes de calcul plus complexes.
Facteurs de sécurité et dimensionnement selon les normes
Le dimensionnement des éléments structuraux doit intégrer une marge de sécurité pour compenser les incertitudes liées aux charges, aux propriétés des matériaux et aux modèles de calcul. Les normes et réglementations (Eurocodes en Europe) définissent les méthodes de calcul et les coefficients de sécurité à appliquer.
Coefficient de sécurité
Le coefficient de sécurité est un facteur multiplicatif appliqué aux contraintes admissibles ou aux charges admissibles pour garantir une sécurité adéquate. Sa valeur dépend du type de structure, du matériau, du niveau de risque et des incertitudes liées aux charges et aux propriétés des matériaux. Il permet de tenir compte des imperfections géométriques et des incertitudes sur les caractéristiques des matériaux.
Normes et réglementations (eurocodes)
Le dimensionnement des structures doit respecter les normes et réglementations en vigueur, tels que les Eurocodes en Europe. Ces normes fournissent des méthodes de calcul, des valeurs caractéristiques des matériaux, des contraintes admissibles et des coefficients de sécurité à appliquer pour garantir la sécurité et la durabilité des constructions.
Exemple de dimensionnement d'une poutre en béton armé
Le dimensionnement d'une poutre en béton armé implique de calculer la section nécessaire pour résister aux moments fléchissants et aux efforts tranchants, en tenant compte des charges permanentes et variables, en choisissant les armatures appropriées et en respectant les exigences des Eurocodes. Une analyse des contraintes dans le béton et dans l'acier permet de vérifier que les contraintes restent dans les limites admissibles.